Le temps passe, les heures et les minutes se ressemblent depuis que tu es revenu à Almayer. Ce village ne te vend plus de rêve, tu n’arrives plus à imaginer, ou alors tu n’as pas envie de continuer à imaginer, de rêver en regardant le ciel. Tu ne sais plus quoi faire, l’envie de rentrer en France gagne du terrain de jour en jour, à quoi bon rester si ce n’est pour Côme qui tu évites depuis plus d’une semaine. A quoi bon rester puisque tout le village te considère comme un parfait étranger. Tu ne seras plus le bienvenu. Ces paroles résonnent dans ton crâne arrivant à te donner la migraine. Assis au bord de ton lit tu te masses l’arrière du crâne vigoureusement. Tu ne peux pas rester toute la journée ici, il faut que tu te changes les idées, bien que tout ici te fasse penser à Loïse, de tes draps aux ruelles biscornues en passant par les grains de sables.
Tu te lèves, enfile un débardeur blanc et c’est pieds nus que tu quittes la pension. Priant pour ne pas croiser ton frère. Tu marches en direction des points les plus hauts d’Almayer, là où tu pourras observer le paysage, là où tu te sentiras un peu plus libre. Les falaises. Sans aucun doute ton endroit préféré depuis que tu as mis les pieds ici. Malheureusement, tu passes par le village, essayant de ne pas attirer tous les regards sur toi, mais tu sens quelques murmures sur ton passage. Mal à l’aise tu accélères le pas, tu cours presque. Tu arrives aux falaises, essoufflé tu montes à travers les herbes hautes. Le vent fouette ton visage, tes joues deviennent rouges. Doucement tu t’approches du bord d’une falaise, tes orteils frôlent la pierre. Tu regardes l’horizon au loin, puis sans aucune raison tu pousses un cri, venant du cœur. Tu t’époumones. Tu attends l’écho qui ne vient pas. Tu soupires. Toi qui pensais te défouler, ça n’a pas vraiment marché.

Alors tu t’approches un peu plus du bord, tu sens l’adrénaline parcourir tes veines. Sensation agréable. Tu avances toujours un peu plus, tu penches la tête histoire de regarder la hauteur et les vagues s’écraser contre les rochers, le vertige te prend, ton cœur s’accélère et une boule se forme dans ton ventre. Tu souris. Un pas de plus et une chute vertigineuse t’attendrait, un pas de plus et tu appartiendrais à l’océan pour l’éternité. T’as toujours la moitié de ton corps penché en avant, impressionné. Les deux mains dans les poches de ton short, tu ne bouges pas, observateur. Tu pourrais rester des heures comme ça. Personne pour venir troubler ta tranquillité.