« Sur tous mes chiffons d’azur sur l’étang soleil moisi sur le lac lune vivante j’écris ton nom Sur les champs sur l’horizon sur les ailes des oiseaux et sur le moulin des ombres j’écris ton nom Sur chaque bouffée d’aurore sur la mer sur les bateaux sur la montagne démente j’écris ton nom Sur la mousse des nuages sur les sueurs de l’orage sur la pluie épaisse et fade j’écris ton nom »

CLUMSY WANDERER/PAULINE/CLARA SETTJE/LES JOURS S'EN VONT, JE DEMEURE/(©PAUL ELUARD)

LES MAINS FAMILIÈRES

Elles pressent ton épaule. Elles sont dures, elles sont rudes, elles sont sèches. Elles ont le teint hâlé des mains abîmées par le soleil d'été. Elles ont encore les marques de sel laissées par les journées à pêcher en mer. Elles se ferment, elle se serrent, elles ne savent plus caresser, elles ne font que cogner la table avec sa voix bourrue. Ses mains là tu les connais bien.
Il ne faut pas leur en vouloir pour leur rudesse, leur sécheresse, la vie ne les a pas aidée, la vie ne les a pas gâtée. Une fille emportée tandis que sa petite fille est né. Il faut choisir un coupable, il faut trouver quelqu'un à qui en vouloir. C'est la faute de l'enfant, c'est la faute du nouveau né. Le père est trop plein de rage, il voudrait jeter l'enfant, le briser, tout faire pour retrouver son amour. Alors il s'en va, il laisse l'enfant là.
Il a perdu son enfant chéri, il a perdu sa fille, son petit être adoré mais il ne t'en veut pas, il s'est bien que la vie est comme ça. Elle donne puis elle reprend. Alors il s'occupera de toi, il remplacera ce père, il t'élèvera comme il l'avait déjà fait auparavant. Il fera tout ce qu'un père doit faire pour élever son enfant, sans en faire trop, sans donner plus, juste le minimum. Il sera ce père que tu n'as jamais connu.

L'INVITATION AU VOYAGE

Viens avec moi, partons en mer, quittons la terre ferme, voguons durant l'éternité. Et toi t'as les étoiles plein les yeux, il te tend la main pour t'entraîner avec lui, il tient dans sa main ton rêve le plus fou. Sur la mer à jamais, tu en as longtemps rêvé. Mais tu ne peux accepter, tu ne peux laisser l'amour t'éloigner de tes racines. Je comprends, mais sache que je reviendrai un jour te chercher. Alors tous les jours tu retournes au petit port. Tous les jours tu t'assoies au même endroit. Tous les jours tu prends des petites cailloux dans ta main et tu joues à faire des ricochets dans l'eau. Tous les jours tu espères. Et dès qu'un petit bateau approche, dès qu'un navire blanc vient vers le port, ton cœur bat plus fort. Et si c'était lui, et s'il n'avait pas menti, et s'il ne t'avait pas oublié, et s'il venait te chercher. Alors tu lui dirais sûrement oui, tu partirais avec lui, tu le laisserais t'emmener voguer avec lui sur les vagues de l'infinité. Mais le bateau blanc ne vient pas. Et toi tu excelles à présent dans l'art des ricochets.